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Quatre enjeux juridiques du télétravail

Photo par Sigmund sur Unsplash 

 

Rédigé par Karli Royère

 

La crise sanitaire de la COVID-19 a amené dans son sillon une vague massive de fermeture de lieux de travail. L’économie a été paralysée et plusieurs entreprises ont dû fermer leurs portes. Pour s’adapter à ce fléau, les entreprises qui le pouvaient se sont tournées vers le télétravail. Bien que ce changement dans le mode d’organisation ait permis à plusieurs de continuer leur activité, il vient avec son lot d’enjeux notamment d’un point de vue juridique. Dans cet article, quatre des grands enjeux juridiques liés au télétravail seront analysés. 

 

1 – Définir la relation de travail

 

Le premier enjeu est de définir la relation de travail, c’est-à-dire distinguer les travailleurs autonomes des salariés en télétravail. Cette distinction est importante à faire puisque les travailleurs autonomes ne bénéficient pas des mêmes protections que les salariés. Par exemple, le travailleur autonome ne bénéficiera généralement pas du régime de protection de la Loi sur les normes du travail[1] ni de la LATMP[2]

De même, dans certaines situations, la Loi sur la santé et la sécurité au travail[3] les soumet aux mêmes obligations qu’un employeur.

 

Pour être considéré comme un salarié, il faut être partie à un contrat de travail[4]. Les trois éléments d’un contrat de travail sont le travail, la rémunération et la subordination ou le fait d’être sous l’autorité de quelqu’un d’autre dans l’exécution de son travail. C’est justement ce troisième élément qui pose problème puisqu’en télétravail il est plus difficile pour l’employeur d’exercer son contrôle sur les employés. Il faut donc définir la personne qui détermine le travail général à effectuer ou qui contrôle et encadre les communications pour déterminer s’il y a bien subordination.

 

2 – L’enjeu des heures supplémentaires

 

Le deuxième enjeu est celui de comptabiliser les heures supplémentaires. C’est bien connu qu’au Québec pour le calcul des heures supplémentaires, la semaine normale est fixée à 40 heures[5]. En contexte de télétravail, il est difficile de comptabiliser ces heures pour plusieurs raisons. Premièrement, puisque les travailleurs travaillent généralement à domicile, il n’y a pas d’heure d'arrivée et de départ puisque le travailleur est déjà sur les lieux. 

 

Deuxièmement, comme mentionné plus tôt, dans ce contexte, l’employeur a moins de contrôle sur ses employés. Il n’est pas présent pour constater les heures réellement travaillées. Cette difficulté est de plus problématique parce que la durée de la semaine normale pour le calcul des heures supplémentaires ne s’applique pas pour les salariés qui travaillent en dehors de l’établissement et dont les heures sont incontrôlables[6]. Par contre, le télétravail ne rend pas nécessairement les heures incontrôlables[7], c’est à l’employeur de les contrôler. Ce qui est assez paradoxal ! 

 

3 – Les obligations de l’employeur     

 

Les obligations de l’employeur restent les mêmes en télétravail. Cependant, qu’en est-il pour les nouvelles situations créées par le télétravail? Par exemple, qui doit payer pour le nouveau matériel nécessaire, le salarié ou l’employeur? Notre premier réflexe était d’assumer que ces dépenses étaient aux frais de l’employeur, mais la réponse n’est pas si simple. En fait, elles dépendent du salaire du salarié. Dépendamment du salaire, deux situations sont possibles :

 

  1. Le salarié payé au salaire minimum : l’employeur doit fournir gratuitement le matériel, l’équipement, les matières premières et la marchandise obligatoire pour le travail au salarié.
  2. Le salarié payé au-dessus du salaire minimum : l’employeur ne peut pas exiger une somme d’argent qui ferait baisser le salaire du salarié en dessous du salaire minimum[8].

 

En d’autres mots, l’employeur peut exiger que le salarié paie pour son matériel tant que ce dernier reçoit, en fin de compte, au moins le salaire minimum[9]. Il est à noter que dans tous les cas, « [u]n employeur ne peut exiger d’un salarié une somme d’argent pour payer des frais reliés aux opérations et aux charges sociales de l’entreprise»[10].

 

Pour les obligations en santé et sécurité au travail, l’employeur à l’obligation de prendre les mesures appropriées pour protéger la santé et la sécurité du salarié[11] et ces mêmes obligations continuent d’exister en télétravail. Le travailleur a les mêmes obligations[12]. Bien qu’il n’y ait pas de protection juridique spécifique pour le télétravail, rien ne laisse croire qu’il n’existe aucune protection pour ce type de travail[13].

 

En indemnisation, le domicile du télétravailleur devient son lieu de travail[14]. Donc s’il se blesse sur son lieu de travail (son domicile) alors qu’il est à son travail alors il bénéficie de la présomption de lésion professionnelle[15] et a droit à une indemnité[16].

 

4 – L’enjeu de la vie privée

 

L’enjeu de la vie privée est extrêmement sensible. C’est un droit garanti tant par la Charte canadienne[17] que par la Charte québécoise[18]. Le domicile est considéré comme l’endroit le plus intime où l’expectative de vie privée est à son meilleur[19]

Avec le télétravail, le travail s’invite au domicile des salariés, il faut donc concilier le droit de gérance de l’employeur au droit à la vie privée du salarié. Heureusement, la jurisprudence nous donne quelques règles à suivre pour arriver à cette conciliation :

 

 

Il y a plein d’autres règles et il serait difficile de toutes les nommer. Ce qu’il faut retenir est que la vie privée n’est pas absolue, mais que si on la limite, cette limite devrait être raisonnable.

 

Le télétravail reste une réalité assez récente. Par conséquent, plusieurs enjeux juridiques sont encore sans réponse. En cas de doute, la meilleure chose à faire est de se référer aux critères encadrant le travail déjà existant.

 

Avertissement 

 

Cet article n’est pas rédigé par un juriste. L'information qui est présentée dans cet article sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme telle. 

 

L'information contenue dans cet article est « telles quelles » sans aucune garantie d'exhaustivité, d'exactitude, d'utilité ou d'actualité et sans aucune garantie de quelque nature que ce soit, expressément ou implicite. Si vous avez des questions légales à propos du télétravail, consultez un avocat.

 

[1] RLRQ c N-1.1.

[2] Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001.

[3] RLRQ c S-2.1, art. 7(2).

[4] Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. C-64, art. 2085.

[5] Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 52.

[6] Id, art 54 (4).

[7] Poirier c. Société immobilière Campiz ltée, 2009 QCCQ 3278.

[8] Maude GRENIER, « Le télétravail – Enjeux juridiques et pratiques », Norton Rose Fulbright, 9 juillet 2020, en ligne : https://www.cpq.qc.ca/workspace/uploads/author-uploads/teletravail-enjeux-juridiquees-et-pratiques.pdf.

[9] Préc. note 1, art. 85.1.

[10] Id.

[11] Préc. note 4, art. 2087.

[12] Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1, art. 49 (2).

[13] Arianne BOUCHARD et Sarah-Émilie DUBOIS, « Considérations juridiques liées au télétravail : ce que vous devez savoir », Dentons, 30 septembre 2020.

[14] Club des petits déjeuners du Québec et Frappier, 2009 QCCLP 7647 (CanLII).

[15] Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001, art. 28

[16] Id, art. 44.

[17] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)], art 7 et 8.

[18] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 5.

[19] R. c. Patrick, [2009] 1 R.C.S. 579.

[20] Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau, [1999] J.Q. no 3026 (C.A.), 1999 CanLII 13295, [1999] no AZ-50067177.

[21] Syndicat des professionnelles du Centre jeunesse de Québec (CSN) c. Desnoyers, 2005 QCCA 110.

[22] Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Québec) Inc., D.T.E. 2001T-545 (C.A.), [2001], no AZ-50085995.

 


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